30.
La musique se déplaçait au-dessus d’eux. Allongée sur le sol, elle voyait le contour des maisons et le profil de leur toit, de l’autre côté de la route. Ainsi que quelque chose d’arrondi, peut-être un arbre. Le son n’était pas fort : une guitare acoustique, un alto, un violoncelle, un piano.
— C’est beau, dit-elle.
— Une carte du monde, répondit-il.
— Mmm.
— C’est le titre du disque : A Map of the World. De Pat Metheny. Je crois que c’est une musique de film.
— Je ne l’ai pas encore vu dans ta discothèque.
— Je l’ai acheté aujourd’hui et c’est la première fois que je l’écoute.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— C’est beau, en effet. Je ne l’aurais pas découvert tout seul, mais c’est Winter qui me l’a recommandé.
Aneta Djanali ne répondit pas. Elle se déplaça légèrement vers la droite, pour se rapprocher de Halders, couché sur le dos sur le lit.
Les enfants dormaient depuis plusieurs heures. Il avait dormi une vingtaine de minutes, peut-être, du moins sa respiration l’avait-elle laissé penser. En revanche, elle était restée éveillée.
Comment s’étaient-ils retrouvés sur ce lit ?
Pourquoi pas ?
Ils étaient toujours habillés. Ce n’était pas… ce qu’on pouvait imaginer. Pas encore, du moins, se dit-elle lorsque le disque changea de piste et laissa la place à un solo de guitare.
Comment aurait-elle réagi si Fredrik avait défait le bouton supérieur de son corsage ?
Il ne ferait jamais cela. Elle n’était même pas sûre qu’il le désirât. Peut-être n’avait-il pas été très loin. Fallait-il que ce soit elle qui prenne l’initiative ?
Ou alors devaient-ils continuer à être simplement frère et sœur, ou presque ? À ceci près que les frères et sœurs adultes ne passaient pas des journées et des soirées entières ensemble, ainsi que la moitié de la nuit.
Aimait-il encore sa femme ? C’était le cas, au début. Il l’avait forcément aimée. Mais ensuite ils s’étaient perdus.
Elle leva la main gauche et regarda le cadran phosphorescent de sa montre, qui indiquait deux heures. Le matin était en train de se lever. La lumière commençait à l’emporter de nouveau sur une nuit sans force. Quelques heures auparavant, cela avait été le contraire et Fredrik avait cité Dylan Thomas, comme il l’avait déjà fait un autre soir. Peut-être la citation était-elle exacte, à moins qu’elle ne soit fausse : Don’t go gently into that good night, rage, rage, against the dying of the light.
— C’est tout ce dont je me souviens, avait-il dit, mais je me rappelle l’avoir vu sur la couverture d’un disque de Chris Hillman, il y a un ou deux ans.
Il renifla à côté d’elle, cet homme qui tenait sa culture littéraire de la couverture de disques de musique country.
S’il avait aimé sa femme, même au cours de ses années de solitude, il n’en avait rien dit. C’était surtout les enfants. Il parlait des enfants. Parfois un peu plus, parfois un peu moins. C’étaient toujours les enfants qui passaient en premier, maintenant également. Ils étaient là, dans la chambre de l’autre côté du couloir. Il allait souvent les voir, quand ils se couchaient et une fois qu’ils étaient endormis.
Il lui était arrivé de penser que rien d’autre ne comptait aux yeux de Fredrik Halders. Il ne le montrait pas, n’en parlait pas. Il était de ces hommes qui ont besoin de présence mais ont peur du contact. Qui se dissimulent derrière des mots durs, lisses, sûrs, vides.
Qui sont capables de s’expédier dans l’autre monde, pensa-t-elle, tandis qu’on commençait à déceler l’arrivée du soleil au-dessus des toits. Qui veulent soudain sortir, vite, immédiatement, ne tiennent plus en place.
Winter avait pris la direction de l’ouest dans le petit matin. Bengt et Lisen l’avaient attendu avec le café, qu’il avait pris dans leur cuisine, où régnait une odeur de petits pains qu’il avait volontiers acceptés, tout juste sortis du four.
— Après le… départ de Beatrice, je cuisinais pendant des heures d’affilée, avait dit Lisen Wägner. Comme une possédée. J’étais capable de me relever au milieu de la nuit pour faire un cake. Et je jetais tout ça alors que c’était encore chaud, avait-elle ajouté en regardant la plaque du four.
Winter avait mâché son petit pain, encore chaud.
Comment s’y prendre pour leur demander ça, bon sang ? s’interrogea-t-il.
Est-ce que Beatrice faisait du strip-tease, pendant ses heures de loisir, à votre connaissance ? Est-ce que c’était à la mode parmi les lycéennes, il y a cinq ans ?
Il avait vu leurs visages et compris qu’ils ne savaient pas, qu’ils n’avaient jamais su.
Son collègue et lui avaient-ils procédé à suffisamment de vérifications parmi les autres membres de sa famille ? Ils n’avaient pas pu se rendre chez tous ceux qui étaient apparentés à Beatrice ou à ses parents.
Ils ne disposaient pas, à cette époque-là, de la photo de Beatrice dans le même cadre qu’Angelika cinq ans plus tard.
Il avait fini son petit pain et ressorti le cliché.
— Nous ne parvenons pas à trouver cet endroit en ville, avait-il commencé par dire.
— Ce n’est peut-être pas là, avait répondu Bengt Wägner.
— Je pense que si, avait répliqué Winter en citant à nouveau le nom d’Angelika et la photo de celle-ci.
— Oui, c’est assez probable.
— Il est possible que ce soit dans une maison particulière.
— Chez qui ? avait demandé Lisen Wägner.
— Est-ce que ça ne se trouverait pas chez quelqu’un que vous connaissez ?
— Chez qui est-ce que ça pourrait être ? avait-elle dit.
— Mon Dieu, avait dit son mari, qu’est-ce que c’est que cette réflexion ?
Elle avait tourné le dos pour s’absorber dans la contemplation de sa planche à pâtisserie et de la plaque de four qui était en train de refroidir, avec ses petits pains. Puis elle avait regardé Winter.
— Si nous l’avions reconnu aussitôt, nous vous l’aurions déjà dit depuis longtemps. Est-ce que ça a de l’importance que ce soit chez quelqu’un ou non ?
— Aucune.
— Est-ce que je peux garder cette photo ?
— Bien entendu.
— On ne sait jamais.
Winter lui donna la copie, qu’il avait apportée dans l’intention de la lui laisser.
Tard la veille, il était allé voir Lars-Olof et Ann Hansson. La conversation avait été à peu près identique à celle qu’il venait d’avoir avec les Wägner.
Sara Helander était assise à la grande table de la salle de réunion. Elle était beaucoup plus bronzée que lui.
— Et alors la vedette fluviale est arrivée à point nommé, dit-elle. J’ai couru jusque-là, elle est partie et j’ai pu les garder à l’œil pendant tout ce temps.
— Bien, Sara.
— Leur bateau était à une dizaine de mètres de l’arrêt. Au départ de la vedette, je les ai vus le quitter.
Winter attendait la suite, ainsi que Halders, Bergenhem, Ringmar, Anna Djanali, Möllerström, bref : tout le monde.
Sara Helander leur avait parlé de la femme ; les photos de la fête de fin d’études d’Angelika avaient circulé parmi eux. Bien sûr que c’était elle, avait confirmé Sara. C’est elle.
— Après ça, je les ai suivis, enchaîna-t-elle. Ce n’était pas loin. Beaucoup de gens montaient et descendaient du ponton et de l’arrêt, alors je n’ai pas eu de difficulté.
— Il ne doit jamais y avoir de difficulté, coupa Halders.
— Ensuite, ça s’est un peu compliqué, mais ça s’est bien passé quand même, enchaîna-t-elle en lançant un coup d’œil rapide à Halders. Ils sont entrés dans une maison, de l’autre côté de la rue, au-delà de la crête. Je suis passée devant. C’était une très grande demeure en bois.
— Ils sont entrés là tous les deux ?
— Oui.
— Samic ne serait-il pas le type brun, d’un certain âge, sur la photo ?
— Peut-être, dit Ringmar. Avec une bonne moumoute. Ça peut fort bien être lui. Mais on n’a pas pu vérifier avec précision.
— D’après nos experts en matière capillaire, il ne peut s’agir d’une moumoute, intervint Halders avec une sorte de sourire.
Je me demande l’air qu’aurait Fredrik s’il en portait une, pensa rapidement Aneta Djanali. Ça n’a rien de très attirant, un homme affublé de ça. Pas plus que d’une coiffure à la Robin Hood.
Samic ne portait de moumoute ni sur le bateau ni au restaurant. Pourquoi en aurait-il eu une lors de cette fête, à supposer qu’il y soit allé, pensa-t-elle. Et pourquoi serait-il venu dans la cour de ce lycée ?
— Il faut qu’on aille voir cette baraque, décida Winter.
— J’y vais, déclara Halders en regardant les autres.
— Il va te reconnaître, s’il te voit, objecta Bergenhem.
— Il ne me verra pas.
— Ah bon.
— Je peux mettre une moumoute, moi aussi.
Quelqu’un éclata brusquement mais brièvement de rire.
— Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux qu’on soit plusieurs ? demanda Sara.
Winter réfléchit. Prudence. Oui. Ou bien ils entraient en force dans cette maison et interpellaient Samic pour les besoins de l’enquête, afin de l’entendre pendant les six heures auxquelles ils avaient droit, ou bien ils attendaient. D’un côté ils cherchaient une adresse que nul ne connaissait, de l’autre, ils disposaient d’un nom connu de tous. Peut-être y avait-il un rapport entre les deux. C’était ainsi qu’ils travaillaient. Ce n’était pas un hasard si Sara avait vu Samic et l’avait suivi. Si la vedette n’était pas arrivée à ce moment-là, ils auraient fini par localiser la maison malgré tout, mais cela leur aurait pris plus de temps.
Samic mentait, il n’était pas le seul.
Winter désirait savoir ce qu’il y avait dans cette maison avant d’agir.
— Tu y vas avec Fredrik, répondit-il à Sara.
— Quand ?
— Ce soir.
— Comment va-t-on f…
— Ta gueule, Sara, dit Halders en se levant. On est capables de réfléchir par nous-mêmes, non ?
Yngvesson appela alors que Winter était en train de regagner son bureau. Les sonneries retentissaient très fort dans le couloir de brique désert.
— J’ai peut-être quelque chose pour toi, dit-il.
Winter n’en eut pas pour cinq minutes à aller le retrouver.
— Écoute ça, dit Yngvesson.
Il mit en marche l’enregistrement. Winter prêta l’oreille et fut étonné de constater que le volume sonore de ce qu’il entendait avait diminué. Yngvesson avait filtré le son, comme il disait, et ôté tous ces bruits qu’il qualifiait de parasitaires. Winter repensa à ces bribes de voix en forme de bruissement qu’il avait entendues sur la plage, la veille au soir.
Il regarda la bande. Là où il avait jadis imaginé un parc, il avait maintenant l’impression d’entendre une pièce vide et déserte.
Il entendit la voix d’Anne :
— Nnnnnn, noooon, nnnooonnn, criait-elle du fond de la gorge et le son s’interrompit lorsque quelque chose vint se serrer autour de celle-ci.
Puis une voix qui marmonnait une sorte de prière, ou de mantra, très fort, plus fort que cela n’avait semblé être précédemment, alors que c’était perturbé par d’autres bruits, ceux du parc et de la circulation. Il s’agissait maintenant d’autres sons, qui ne pouvaient être rattachés à rien et qu’il fallait éliminer, pensa Winter, pour que personne ne soit obligé d’entendre cela.
Quoi qu’il en soit, le meurtrier était là. Et la victime aussi. Elle ne pouvait couper aucun son.
— Écoute, dit Yngvesson.
Winter entendit d’abord la même chose qu’auparavant, plus clairement cependant. C’était le même… son, mais on aurait dit qu’il était proféré dans un vaste tunnel, très long, en forme de cor alpestre. Jamai… Jamaipl… Jamaiplu.
— Jamais plus, dit Yngvesson en arrêtant la bande.
— Oui.
— Je ne crois pas qu’on puisse obtenir mieux que ça.
— Jamais plus, répéta Winter.
Yngvesson se remit à son ordinateur. Celui-ci ronronnait agréablement, totalement inconscient de ses propres capacités. Ce ne serait pas mal d’être un ordinateur, pensa Winter. On serait efficace et toujours de bonne humeur.
— Ce n’est pas elle, n’est-ce pas ? demanda-t-il.
— Quoi ?
— Ce n’est pas elle qui dit ça, hein ?
— Non.
— Jamais plus. C’est l’assassin qui dit : Jamais plus.
— Ça a été son dernier meurtre, en effet. Jusqu’ici, du moins.
— Il ne s’agit pas de ça.
— Je n’ose pas formuler de supposition.
— Il ne dit pas ça pour lui, reprit Winter. Il… indique à sa victime que ça n’arrivera jamais plus.
— Qu’est-ce qui n’arrivera plus jamais ? demanda Yngvesson en se retournant sur sa chaise. Ça n’arrivera jamais plus ? Jamais plus ?
— Ce qu’elle a fait. Il la punit pour ce qu’elle a fait.
— Ce qu’elle… lui a fait ?
Winter réfléchit une seconde. Dans quelques instants, il allait écouter à nouveau cet enregistrement, il désirait donc s’y préparer.
— Oui. Soit directement. Soit… indirectement.
— Indirectement ? Quelque chose qu’elle aurait fait à d’autres, alors ?
Winter se sentit soudain infiniment déprimé. Il aurait voulu s’enfoncer dans la mer et ne jamais en ressortir. Le soleil pouvait se lever à nouveau, pas lui.
— Je ne sais pas, Yngvesson. J’ai la tête qui tourne, il faut que je sois assis, dit-il en joignant le geste à la parole. Qu’est-ce qu’on disait ? Indirectement ? Elle a fait quelque chose et il la punit pour ça.
— Mmm.
— Mon Dieu, Yngvesson, je suis capable de dire n’importe quoi. C’est impossible à analyser pour l’instant.
— Mais ce n’est pas… personnel, selon toi ? Pas de cette façon-là ? Il ne la connaissait pas ?
— Peut-être que oui, peut-être que non, je ne sais pas.
— Ça fait une sacrée différence, non ?
Sara Helander et Halders étaient assis dans la voiture de celui-ci, bien dissimulée parmi les autres, sur ce parking. Ils étaient au moins à soixante-quinze mètres de la maison dans laquelle Samic et la femme étaient entrés.
Elle était en bois, en effet. Cela ne l’empêchait pas de s’élever sur quatre ou cinq niveaux, sans compter le sous-sol qui courait sans doute sous l’ensemble.
Il y en avait quatre identiques, l’une à côté de l’autre. Elle masquait le soleil mais seulement de façon partielle. Ils avaient ses rayons droit dans les yeux. Sara abrita les siens de la main. Halders, lui, portait des lunettes noires.
— On aurait peut-être dû aller se placer de l’autre côté, dit-elle.
— Non.
— Tu as raison, on est cachés par la circulation.
Même si elle n’était pas très dense, des voitures passaient cependant régulièrement, pour descendre vers l’appontement du ferry et les nouveaux appartements construits à quelques mètres seulement de l’eau.
Une voiture était à l’arrêt sur l’entrée de garage, lequel n’allait d’ailleurs pas avec la maison, tant il faisait l’effet d’avoir été construit au cours d’un siècle différent. À moins qu’il n’y en eût deux d’écart, en fait. Halders ne quittait pas la maison des yeux, et en particulier les nombreuses fenêtres, presque invisibles sous cet éclairage contraire.
Il faisait plus sombre qu’auparavant. Sara avait sorti à boire et à manger. Ils n’avaient plus le soleil dans les yeux. Personne n’était entré dans la maison ni n’en était sorti. Halders mâchait un sandwich qui était peut-être à l’œuf mayonnaise, à moins que ce ne soit au jambon et au cornichon, il n’aurait su le dire. Il regarda sa montre. Bientôt minuit.
Deux voitures passèrent à vitesse réduite mais sans s’arrêter. Elles venaient d’en face, ce qui signifiait qu’elles avaient emprunté un sens interdit.
— Vite, dit Halders.
Sara se laissa glisser sur le siège en même temps que lui. Les phares du premier des deux véhicules étaient braqués droit vers eux. Ils entendirent des voix mais ne purent distinguer ce qu’elles disaient. Des portières s’ouvrirent et se refermèrent doucement. Les moteurs n’avaient pas été coupés. Puis les voitures s’éloignèrent et le faisceau de lumière de leurs phares passa à vingt centimètres au-dessus de la tête de Sara et de Halders.
— C’est excitant, hein ? marmonna ce dernier.
— Quelqu’un est entré dans la maison, dit Sara.
Ils attendirent un peu avant de se redresser lentement sur leur siège. Tout était comme avant, sauf qu’il y avait de la lumière à l’une des fenêtres du rez-de-chaussée.
— Quand tu es venue hier soir, beaucoup d’entre elles étaient éclairées ? demanda Halders.
— Non.
— D’autres que celle-ci ?
— Oui.
Mmm.
— Tu crois que c’est Samic qui vient d’arriver ?
— Est-ce qu’il ne vient pas en bateau ou à pied ?
Elle ne répondit pas et ils gardèrent le silence pendant un bon moment.
L’obscurité s’épaississait encore et il faisait maintenant plus noir que la veille à la même heure. Aussi chaud, mais plus noir. C’était l’obscurité d’une autre saison qui était en train d’entrer en fonction. Don’t go gently into that good night, rage, rage, against the dying of the light, pensa Halders.
— Voilà une autre voiture, annonça Sara.
Elle arrivait par-derrière.
— On ne bouge pas, dit Halders en se laissant glisser légèrement.
La voiture s’arrêta devant la maison. La portière s’ouvrit et une femme en descendit.
— C’est elle ? demanda Halders, mais surtout pour lui-même.
— Non, répondit Sara à voix basse.
La femme paraissait assez jeune. Elle pénétra dans la maison mais aucune autre lumière ne s’alluma. La voiture repartit.
Ils attendirent à nouveau. Une légère fumée s’échappa de la Thermos quand Halders l’ouvrit pour en boire.
— Voilà quelqu’un, annonça à nouveau Sara. À pied, cette fois.
Une silhouette se détacha de l’ombre en montant du fleuve, devant eux. La personne monta l’escalier qui donnait accès à la rue où ils étaient garés et se trouvait presque en face de la maison. C’était un homme. Il regarda derrière lui avant de s’engager dans la voie déserte, maintenant éclairée par la lune et les étoiles, en plus des réverbères. Il s’arrêta devant la maison et parut lever les yeux vers le réverbère, à moins que ce ne fût vers le ciel. Il portait un costume sombre et ses cheveux étaient de la même teinte que l’éclairage. Il n’était pas jeune. Soudain, il se tourna vers la droite et ils eurent un instant l’impression qu’il regardait vers eux, dissimulés dans les ténèbres de la voiture.
— Il ne peut pas nous voir, dit Halders. Ne bouge pas, ajouta-t-il en posant une feuille de papier sur le goulot de la Thermos fumante.
L’homme se tourna vers la maison et y pénétra.
— C’est Kurt Bielke, dit Halders à voix basse.